Alors qu'il travaillait chez Pininfarina, Paolo Garella était responsable du projet de la première New Stratos. Cette dernière avait été imaginée par Michael Stoschek, un Allemand qui voue un amour sans borne à la Stratos. L'homme se présenta un jour chez Pininfarina avec sa Ferrari 430 Scuderia, et demanda à ce qu'elle devienne une Stratos moderne. Cet objet resta un exemplaire unique, principalement parce que Ferrari avait fait savoir ne guère apprécier cette transformation. Mais l'idée d'en produire un jour une série limitée resta. Après que Garella eut construit la SGC003 pour Jim Glickenhaus, il se mit à la recherche d'un nouveau projet qui permettrait à son entreprise MAT (Manifattura Automobili Torino) de continuer à tourner. "C'est là que j'ai repensé à la Stratos. J'ai rappelé Stosschek et il m'a donné une licence pour la production de 25 exemplaires de la New Stratos, ainsi que de trois prototypes".

20 cm plus courte

La base est toujours la même : une Ferrari 430 ou une plus exclusive encore 430 Scuderia. "De préférence un exemplaire de la dernière série", dit Garella. "On peut choisir entre une version à boîte manuelle ou à boîte robotisée. Nous démontons entièrement la Ferrari et nous réduisons l'empattement de 20 cm, de manière à respecter les proportions de la Lancia Stratos originelle."

La Lancia Stratos, c'est la voiture de rallye la plus improbable de tous les temps. Une voiture en forme de flèche qui ne semblait être à sa place ni dans les forêts du Pays de Galles, ni sur les routes enneigées de Suède. "Et pourtant, si vous regardez bien, vous verrez que la Stratos est construite comme un buggy, avec de très grandes roues", explique Garella. Elle était donc bel et bien taillée pour le rallye.

500 ch

La New Stratos est un hommage parfait à la Lancia Stratos classique. Comme jadis, le capot arrière et le coffre avant s'ouvrent en se faisant face, ce qui donne une image assez spectaculaire. Les vitres latérales sont très hautes et le pare-brise descend très bas, et cela vous incite à ne vous concentrer que sur ce qu'il y a devant vous. Les deux renflements de la partie avant permettent de savoir précisément où sont les roues. Et comme dans la vraie Stratos, c'est une mécanique Ferrari qui est à l'œuvre. Sauf que ce n'est plus un V6 Dino, mais le V8 d'une F430, en position longitudinale arrière. Ce moteur doit faire bouger 1.300 kg, 100 de moins que dans la voiture donneuse. "En révisant la gestion moteur, nous en tirons presque 500 ch. On pourrait même aller jusqu'à 540 ch avec un échappement différent, mais la voiture ne serait plus la bienvenue en Suisse", dit Garella en riant.

Puis il ajoute qu'avec la Stratos, la quantité de chevaux n'est pas la chose la plus importante. Ici, tout est question de conduite pure. Et nous allons conduire… Destination : le Colle Delle Finestre, un col alpin du Piémont, en Italie, dont les routes sont bordées de neige. Maintenus dans les sièges baquets par un harnais 4 points, nous comprenons que la voiture ne demande qu'à être cravachée. De la 430, on reconnait le "Manettino" placé sur le volant, déjà en position Race. Les cadrans par contre ont un design rien qu'à eux.

L'aboiement du V8

Pour commencer, on tourne la clé d'un cran, histoire d'amorcer les pompes. Ensuite, on tire simultanément les deux palettes de la boîte robotisée tout en enfonçant la pédale de frein, ce qui passe la boîte 6 rapports au point mort. Enfin, on presse le bouton rouge situé à gauche sur le volant, pour la mise à feu du moteur. On reconnait immédiatement le V8 Ferrari, qui lance d'abord un aboiement avant de rapidement revenir à ce qui est plus un doux grognement. Le son plein de l'admission couvre le bourdonnement des soupapes. Tout cela nous rappelle le son aigu d'une BMW M3 DTM des années 90. Clairement, ce n'est plus du tout une Ferrari 430 que nous emmenons dans les montagnes.

Notre itinéraire va d'une route à deux voies à des routes de plus en plus étroites et tortueuses. La direction est légère. La New Stratos bondit de virage en virage comme un Jack Russel hyperactif. Les gommes avant annoncent 265/30 19, les arrière 305/30 19. Autant dire que les limites d'adhérence sont lointaines. Cela dit, il s'agit de pneus Michelin Sport Cup 2, des semi-slicks donc… et il fait froid dehors. Et malgré cela, on remarque qu'il faut vraiment provoquer la New Stratos pour qu'elle montre des signes de survirage. C'est fun, mais c'est plus fun encore de la faire passer de courbe en courbe en suivant une trajectoire aussi tendue que possible. Cette voiture, c'est un outil de précision.

C'est surtout un engin de passionné. De riche passionné. Car la New Stratos coûte au-moins 550.000€. Sans les taxes. Et sans la Ferrari qui sert de donneuse.